Une belle rencontre…
Lors de la soirée Warm-up Hellfest du 26 Avril dernier à Crest (dont nous vous avons parlé dans notre live report ici), nous avons eu l’occasion d’échanger avec Julien Truchan, l’incroyable vocaliste de Benighted, de manière improvisée mais tellement chaleureuse et intéressante que nous avons souhaité la partager avec vous. On a parlé de travail, de sport, de passion, de famille. Et un peu de musique aussi !…
1- Bravo pour le concert de ce soir ! Comment ça s’est passé ?
C’était incroyable ! Le concert s’est très bien passé, le public a été fantastique, l’un des meilleurs de la tournée jusqu’à maintenant.
2- Comment avez-vous trouvé l’accueil de La Boite en metal ?
L’accueil a été parfait ! Tout le monde est très sympa, l’organisation est aux petits soins, et vraiment, on a passé un excellent moment.
3- L’énergie que vous dégagez sur scène est très impressionnante. Comment fais-tu pour tenir le rythme au niveau de la voix ?
L’énergie est vraiment importante pour nous. En ce qui me concerne je fais beaucoup de sport pour me maintenir au niveau, et j’essaye d’avoir mon taf de sommeil pour récupérer. Bien que le groupe existe depuis plus de 25 ans maintenant, vous travaillez à côté. Tu es infirmier en psychiatrie, un travail particulièrement noble et difficile. Comment fais-tu pour concilier musique et travail ?
J’ai des semaines intenses, c’est vrai, mais le secret réside dans l’organisation. En général, je me lève assez tôt, aux environs de 7h00, je vais au travail jusqu’à 16h30, puis, en fonction des jours de la semaine, je vais à la salle de sport, parfois avec mon père (ce qui nous permet de partager des moments ensemble), ou je m’occupe de ma fille de 17 ans. Nous avons notre petite soirée commune chaque semaine. Certains jours de la semaine je vais aussi au sport le matin avant le travail. Le week-end, c’est parfois repos, et souvent concerts avec Benighted !
4- Le rythme est quand même assez soutenu !
Oui, mais ça me plait. Et tant que j’ai du temps pour toutes mes activités, ça me convient. Après j’ai aussi la chance de travailler avec des collègues arrangeants et compréhensifs. Ça m’arrive régulièrement de leur dire « Ok les gars, j’ai une interview pour le groupe, je m’absente 30 minutes ! ». Alors je pars m’isoler dans une pièce, je fais l’interview et je reviens travailler. Ça m’arrive également, lors des moments de calme, de pouvoir passer quelques coups de fils pour le groupe.
5- En parlant de ton travail, je me suis toujours demandé si la violence de la musique était pour toi une sorte d’exutoire aux situations difficiles que tu peux être amené à vivre au quotidien dans ton métier d’infirmier psychiatrique. On sait que ce travail influence beaucoup tes textes, mais qu’en est-il de la musique ? Et penses-tu que la musique serait différente si tu faisais un autre métier ?
C’est intéressant. Mais quand l’aventure Benighted a débuté, en 1998, je n’étais pas encore infirmier psy. Pourtant, la musique exprimait déjà cette violence. Donc je pense que la musique me sert d’exutoire mais pas uniquement par rapport à mon travail. Cela dit, ça paraît plus que probable que ce travail contribue à la tonalité de la musique de Benighted. Quoi qu’il en soit, je fais aujourd’hui la musique qui me plait, et c’est ce qui compte au final.
6- Est-ce facile de faire cohabiter tous ces univers différents (familial, professionnel, musical et sportif) ?
Dans l’absolu ce n’est pas forcément facile, mais j’aime créer des ponts entre ces « univers », comme tu dis. Par exemple, je fais du sport avec mes patients une fois par semaine. C’est très salutaire pour eux, parce que ça peut leur permettre d’exprimer des choses enfouies, d’être en réussite alors qu’ils ne le sont pas forcément souvent, de faire changer le regard des gens sur eux. Et c’est très agréable pour moi parce qu’on partage autre chose qu’une relation soignant/patient. C’est du gagnant/gagnant.
7- L’idée est géniale, et tu dois avoir de très bon retours.
Oui, les retours sont très bons en effet. De la même manière, je propose régulièrement à certains patients des ateliers musicaux. Le principe est un peu le même : je leur propose de créer des textes, de la musique, je les accompagne dans cette démarche créative. On va même jusqu’à enregistrer la musique, la graver sur cd, créer des visuels pour illustrer le disque. Quand ils récupèrent le fruit de leur travail, ils sont aux anges, et c’est très gratifiant pour tout le monde, et notamment pour eux, parce qu’ils sortent de leur « statut » de personne en situation de handicap, y compris aux yeux de leurs familles et de leurs proches. Une vraie expérience de vie…
8- Je trouve cette initiative magnifique et je suis sûr que les résultats doivent être excellents.
Oui, ça leur fait beaucoup de bien, je crois. Et ça m’en fait aussi.
9- Qu’en est-il de la sphère familiale ?
C’est un peu moins évident pour moi. Mais j’ai une anecdote sympa à te raconter à ce sujet. Récemment, ma fille de 17 ans a eu l’opportunité de venir nous voir en concert, ce qu’elle n’avait jamais fait auparavant. Ça m’a évidemment fait très plaisir, mais ça m’a aussi mis la pression. Je luis ai dis que pour marquer le coup j’allais demander au public de la porter jusqu’à la scène ! Je crois qu’elle n’était pas sûre que je le ferai…
Le moment venu, à la troisième chanson, j’ai dit au public « Vous voyez la jeune fille là-bas ? C’est ma fille, et je veux qu’elle vienne sur scène. Alors vous allez la porter jusqu’à la scène sans qu’elle touche le sol ! »
Et c’est exactement ce qui s’est passé ! Un très bon souvenir, pour elle comme pour moi, que cette incursion de mon monde familial dans mon monde musical.
10- Très chouette anecdote, effectivement ! Je me pose une question, du coup : vous ne répétez jamais avec Benighted ?
Non ! Nous n’habitons pas tous au même endroit, ce qui compliquerait de fait les répétitions régulières. Mais j’ai la chance de jouer avec des musiciens au niveau technique incroyable. Alors chacun de nous est capable d’apprendre à jouer les morceaux de son côté.
Quand une tournée se prépare, on se retrouve pour répéter ensemble histoire de se roder un peu, mais c’est suffisant pour nous.
11- Et pour la composition ?
Ça fonctionne un peu pareil. On échange des idées ensembles à distance, on travaille sur des bases de chansons et on en discute. Le groupe est très démocratique, et quand une idée ne plait pas à 2 des membres, on l’abandonne et on en cherche une autre.
12- Pas de problème d’égo dans Benighted, alors?
Sûrement pas ! Il y a bien trop de problèmes dans la vie pour s’en rajouter. On parle, on échange nos points de vus et on tranche dans le calme.
13- Merci beaucoup, Julien, pour cet échange passionnant et chaleureux, et pour ta disponibilité. Une dernière question : qu’est ce qui est le plus gratifiant dans la musique pour toi ?
Il y a évidemment beaucoup de points positifs dans le fait de faire de la musique, mais si je devais n’en citer qu’un je dirai la possibilité de voyager et de rencontrer des gens. Pouvoir découvrir de nouveaux endroits, de nouveaux pays, de nouvelles cultures, de nouveaux modes de vie, de nouvelles façons de penser à travers des rencontres, c’est ce qui est le plus important. Plus on rencontre de gens différents, plus on est ouvert et tolérant, et plus peut se rapprocher de la paix intérieure et transmettre à notre tour de l’énergie positive.
Je n’aurais pas mieux dit ! C’est une très belle conclusion à notre échange, et je te remercie encore pour ce moment partagé.
Merci à toi également, et à bientôt !
Vega
Un immense merci à Julien Truchan pour sa disponibilité et sa gentillesse.
Cette entrevue est amicalement dédiée à Allan et Martin, en souvenir d’un beau moment partagé.