Bien qu’originaires d’Île-de-France, les cinq membres de HOULE ont ancré leur concept plein ouest, vers le grand large. Que des Parigots se démarquent plein ouest pour goûter aux charmes innombrables des contrées bordées par l’océan Atlantique, on en avait pris l’habitude depuis les années 60, à des fins de villégiature. Seulement, HOULE ne prétend aucunement faire acte de villégiature et, via ce premier album (après un copieux EP quatre titres, paru en 2022) vise plutôt à capter les aspects les plus âpres et abrasifs de la côte ouest. En somme, HOULE opère un carénage abrupt sur une coque typiquement Black Metal… mais pas seulement. Explications.
Ainsi, les riffs de guitare se font volontairement rêches, voire franchement abrasifs, idéalement propulsés par une section rythmique parfaitement apte à assurer des accélérations tranchantes. Surtout, les vocaux de la surnommée chanteuse Adsagsona se montrent impérieusement agressifs, souvent aigus et aigres, parfois plus rauques, installant un climat quasiment venimeux, particulièrement expressif et intense.
Cependant, s’il ne s’agissait que de proposer un exercice de Black Metal classique, dont la seule originalité serait d’aborder des thématiques tournant autour des univers maritimes, avouez que le propos serait un peu court. Fort heureusement, dans toutes les dimensions évoquées ci-avant, HOULE injecte avec à propos des éléments qui, pour n’être nullement novateurs en soi, n’en demeurent pas moins des exhausteurs de saveurs indéniables.
Revenons aux guitares. Précisons d’abord qu’elles pratiquent leur ouvrage corrosif avec un grand souci de précision dans l’exposition. Surtout, elles prennent soin d’entrelarder les riffs les plus âpres de saillies mélodiques entêtantes. En parfaite coordination avec une section rythmique très adaptative et volatile, l’ensemble des instrumentistes multiplient les breaks, les changements de tempos, de rythmes et d’ambiances, injectant de facto mélodie, art du contraste et dynamisme dramatique. Ici se révèle tout l’héritage des maîtres du Heavy Metal (JUDAS PRIEST, IRON MAIDEN, ACCEPT), de leurs sulfureux suiveurs (MERCYFUL FATE, KING DIAMOND), voire, pour les plans les plus accrocheurs, des apôtres du Speed Metal et du Power Metal mélodiques. Au gré des séquences les plus atmosphériques, nous avons même droit à de classiques et belles parties de guitares en son clair, voire en acoustique, c’est dire.
Même la vocaliste se montre tout à fait à même de varier son propos, abandonnant ponctuellement ses registres abrasifs pour faire montre d’une efficace expressivité en registre clair ; ces rares incursions introduisent des contrastes ô combien utiles. Qui plus est, il faut saluer la qualité d’élocution de notre méduse vénéneuse, laquelle permet de saisir une partie de ses textes en français.
Autre atout qui permet à HOULE de tirer des bords loin des autres groupes de Metal qui moulinent vulgairement les thématiques maritimes, le groupe fait preuve d’ambition en matière de composition, n’hésitant pas à contrebalancer ses nombreuses incises Heavy mélodiques par un recours non négligeable à des structures relativement complexes. Non seulement elles peuvent s’afficher longues : presque sept minutes pour « Sel, sang et gerçures » et « La Danse du rocher », un peu plus de sept minutes pour « Sur les braises du foyer » (cliquez ici), douze minutes passées pour le conclusif « Née des embruns ». Mais elles permettent l’agencement dynamique et dramatique, conforme au propos conceptuel du groupe.
Dès son premier album, HOULE affiche une ambition certaine, appuyée par des moyens persuasifs et par une réalisation soignée et précise. Souhaitons qu’une seconde marée viennent mouiller nos rivages sous peu, histoire de confirmer que, paradoxe ultime, certains Parisiens auraient bien le pied marin.
Alain Lavanne
Date de sortie: 07/06/2024
Label: Les acteurs de l’ombre
Style: Black Métal
Note: 17/20
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