« Memento Mori » est le quinzième album studio pour les vétérans suédois du Black Metal. D’aucuns ont pris l’habitude de traiter les parutions du groupe avec une morgue blasée, actant que la gloire du groupe appartenait au passé. Pour ma part, j’ai toujours été autant adepte du versant Black Metal haineux, brutal et rapide (les premiers albums chez Osmose productions, avec « Panzer Division Marduk » comme acmé) que des penchants plus lourds, plus vénéneux, plus sinistres, lesquels commencèrent à se manifester avec « La Grande Danse Macabre » (2001) et « World Funeral » (2003).

Même s’ils s’avèrent objectivement majoritairement brutaux, rapides et haineux, les dix titres de « Memento Mori » ne visent aucunement à représenter une seule dimension. Cela dit, il demeure des analyses à opérer quant à la fabrique de la brutalité par MARDUK en 2023. Si l’on connaît la puissance de frappe de MARDUK, tous line-up confondus, il n’en demeure pas moins que le groupe a fait montre, par le passé, d’une certaine uniformité dans son déploiement de violence, laquelle agissait comme un bloc compact et indistinct, certes impressionnant, mais quelque monocorde (ah, ce recours systématique aux blast beats !). Or, sur ce nouvel album, vous trouverez quantité de riffs acides et lancinants, de tempos trépidants marqués par des blast beats. Seulement, en 2023, MARDUK possède l’intelligence des vétérans. Tout d’abord, en adoptant un mixage qui permet de distinguer très nettement tous les ingrédients, même dans les configurations instrumentales les plus intenses : les riffs de Morgan Hakansson tranchent nettement, la batterie de Simon Schilling martyrise caisse claire et cymbales, et, ô miracle, les lignes de basse nerveuses et agiles de Devo Andersson sont parfaitement audibles ! Cette clarté dans l’exposition de la brutalité rythmique doit-il faire craindre une pasteurisation, une normalisation du son de MARDUK ? Que nenni, car les partis-pris dans la production demeurent la priorité donnée à un son savamment crasseux, à un rendu rouillé.

Tout aussi intéressants, et essentiels dans la réussite de cet album : les éléments dérogeant à la pure sauvagerie évoquée ci-dessus. Notons que même les séquences les plus frénétiques se trouvent lardées de mélodies de guitares, simples, âpres et addictives, ainsi que d’arrangements pertinents (intros instrumentales, bruitages occasionnels, le break apaisé à la fin de Coffin Carol, l’introduction Ambient de Year Of The Maggot). En dehors du maelstrom, le groupe s’illustre par des compositions dérogeant à l’impératif double de brutalité et de rapidité. En témoignent la reptation intense de Shovel Beats Spectre et l’ambiance lourde et asphyxiante de As We Are. Bien que minoritaires, ces exceptions s’avèrent essentielles, car elles brisent tout risque de linéarité, sans rien ôter à la radicalité intacte du groupe.

J’ai fait exprès de ne pas évoquer les vocaux. En 2003, quand le départ du vocaliste Legion fut acté, nombreux furent ceux qui actèrent la fin d’une époque et qui ne donnèrent par sa chance à son successeur, Daniel Rostén, alias Mortuus (de FUNERAL MIST). Pour ma part, j’ai toujours apprécié au plus haut point la capacité de cet individu à pratiquer avec la plus parfaite spontanéité un registre haineux, brutal, ô combien agressif et abrasif, tout en se montrant capable d’introduire des variations notables dans son phrasé destructeur. Une fois de plus, cet homme se montre capable d’interventions viscérales et incendiaires, tout en introduisant des variations d’intonations dans ses interventions. Du grand art !

Alain Lavanne

Date de sortie: 01/09/2023

Label: Century Media

Style: Black Métal

Note: 18,5/20

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Kaosguards boss

Un passionné de metal complètement fou qui joue des coudes à tous les concerts.