Quand en 2010 le producteur et compositeur Christophe Voisin-Boisvinet lança SKÁLD, d’aucuns firent montre de scepticisme, voire d’une certaine hostilité. S’agissant d’un projet de Neo Folk totalement dédié à l’univers scandinave (improprement appelé viking*), il fallait forcément donner des gages d’authenticité, si possible underground. Or, nous parlons ici d’un projet créé par un producteur (ayant notamment travaillé avec de nombreux artistes de chanson française), qui s’est entouré d’interprètes et adossé à une major. Qui plus est, l’approche artistique visait clairement à atteindre une certaine efficacité (percussions et chœurs puissants), plutôt que de reproduire les musiques scandinaves d’antan, selon une approche ethno-musicologique. Ces critiques de puristes auto-proclamés faisaient fi de la prise de risque du producteur, qui, plutôt que de poursuivre ses collaborations avec l’univers de la variété française, prenait un vrai pari et évitait la facilité en proposant des textes en langues anciennes et des instrumentations éloignées des goûts du grand public. Les cyniques reviendront à l’assaut en prétextant l’opportunisme consistant à s’emparer de l’univers des vikings, à un moment où la série télévisée « Vikings » avait réinstallé le thème au premier plan (depuis 2013), sans parler du rôle particulier joué par le groupe norvégien WARDRUNA depuis 2003.
Faisant fi des réticences et des médisances, SKÁLD rencontra le succès avec son premier album « Le Chant des Vikings » (2018), suivi en 2020 par « Vikings Memories ». Porté par une équipe d’interprètes féminines et masculins (dont le chanteur Steeve Petit, de ZUUL FX et NO RETURN), ce troisième opus demeure fidèle aux fondamentaux du projet. Du côté des ingrédients  : usage d’instruments anciens et traditionnels (nyckelharpa, harpe, cornemuse, moraharpa, talharpa, harpe, vielle à roue, percussions…), techniques de chant de gorge aux effets hypnotiques, le concept dédié au peuple caché (Huldufólk, terme employé en Islande et dans îles Féroé pour désigner les créatures occupant les espaces naturels), textes en vieux norrois, féroïen, suédois, norvégien, danois et islandais. Pour ce qui est de l’efficacité typiquement contemporaine, citons la profondeur de la production, la précision d’une prise de son vibrante, le mixage à la fois ample et détaillé, les scansions rythmiques surpuissantes (rôle majeur accordé à des percussions roboratives), les chœurs massifs, les mélodies entraînantes.
Qui plus est, les compositions assurent un équilibre idéal entre, d’une part, tendances à la finesse, à l’intimité, à la nuance, d’autre part pulsions impérieuses, rythmiques ou chorales. Avec heureusement des graduations, nombreuses et subtiles, entre chaque point extrême. Une fois de plus, on est positivement frappé par la maîtrise totalement équilibrée et passionnée de ce projet. Comme quoi, il ne faut pas se fier au pedigree de l’inspirateur de SKÁLD, mais bien savourer pleinement un résultat hybride, annoncé comme tel, à la fois sincère et totalement envoûtant. Chapeau au maestro, ainsi qu’aux interprètes.

Outre dix compositions originelles, SKÁLD se livre au jeu des reprises en proposant des versions modifiées et réappropriées de « Du Hast » de RAMMSTEIN et de « A Forest » de THE CURE. Dans les deux cas, le résultat respecte les versions originales, en les plongeant dans l’univers bien particulier de SKÁLD : l’élève ne dépasse pas les maîtres, mais il démontre qu’il peut habilement emprunter les chemins buissonniers !

Alain Lavanne

Date de sortie: 20/01/2023

Label: Decca/Universal

Style: Néo Folk scandinave

Note: 17/20

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Kaosguards boss

Un passionné de metal complètement fou qui joue des coudes à tous les concerts.