En 2021, le label High Roller records propose une réédition copieusement enrichie de l’unique album de SCALD, formation russe de Doom Metal épique, entièrement consacré à l’univers nordique. Formé en 1993, ce quintette publia en 1997 son unique album, « Will Of Gods Is A Great Power », en format cassette. Pour ma part, il fallut attendre 2003 pour que je découvre le groupe via la première édition CD, pourvu d’un nouvel artwork haut en couleurs, évoquant explicitement l’univers viking (herskip funéraire en flammes, lettrages runiques), affichant sept titres au lieu des six origninaux, agrémenté de surcroît d’une version de 1994 du titre « Sepulchral Bonfire ». Depuis, plusieurs rééditions, sous différents formats, ont vu le jour, notamment en double CD par Hammerheart records (en 2019), avec l’album originel et un second CD live de SCALD et de РOCC, groupe comprenant deux membres de SCALD.
High Roller mise sur une restitution dans l’ordre originel (version cassette) de cet album, avec pour copieux bonus pas moins de dix titres live, piochés dans les treize de l’édition Hammerheart (laquelle semble, a priori, la plus complète !). Cela dit, si l’on met de côté les bonus, demeure, un premier album parfaitement représentatif d’une certaine conception du Doom Metal épique. En effet, à l’évocation de ce sous-genre, on pense immédiatement à CANDLEMASS, aux débuts de TROUBLE, à SOLITUDE AETURNUS. Et l’on oublie que, certes sous l’appellation de Viking Metal, BATHORY effectua sa mue à partir d’un Black Metal primaire, et ce dès 1988 et l’album « Blood Fire Death », pour aboutir à un Metal lent, lourd, primitif mais riche en ambiances, ô combien évocatrices, avec l’album « Hammerheart » (1990), suivi dans une veine identique, et même augmentée, par « Twilight Of The Gods » en 1991.
A l’écoute des morceaux de l’album originel, il devient évident que SCALD avait opté pour une réquisition à des fins de réappropriation de la formule mise en place par Quorthon au sein de BATHORY. Soit des compositions aux formats conséquents, oscillant entre six et plus de onze minutes, déroulant des rythmiques simples mais obsédantes à force de pesanteur monolithique, mettant en place des séquences contrastées, entre pure tension rythmique et élévation spirituelle.
Cependant, si les membres de SCALD s’avéraient de manière flagrante dévots envers ce Metal dont toute la lourdeur, dont tout le monolithisme, se concentraient sur l’élaboration de progressions rythmiques visant à créer des motifs hypnotiques et des crescendos irrésistibles. Mais là où l’homme-orchestre Quorthon se trouvait splendidement limité par ses propres capacités personnelles, SCALD se montrait en mesure, avec le recul admiratif et l’effet de groupe nécessaire, de prolonger la formule édictée par notre ombrageux Suédois.
C’est ainsi que, comme chez BATHORY, les compositions atteignent des durées conséquentes : deux titres dépassent les neuf minutes, deux autres frôlent les douze minutes, excusez du peu. Le tempo est lent, les riffs massifs et tendus, lourdement assénés comme si le marteau de Thor cherchait à éventrer la terre. Quelques arrangements acoustiques et de claviers, ainsi que des solos de guitare mélodiquement construits représentent autant de contrepoints mélodiques à cette muraille rythmique implacable.
Sur le plan vocal, Agyl module avec emphase des lignes de chant torturées, son registre clair oscillant entre le médium et des tentatives plus graves, avec même quelques montées vers les hauteurs. Le résultat s’avère assurément plus ample et puissant que ce que Quorthon avait été en mesure de donner à entendre. Cependant, il faut bien avouer que certaines modulations paraissent un poil trop ambitieuses par rapport aux possibilités réelles du chanteur.
En dépit de quelques faiblesses, dont le son clair mais très sec et une similitude dans le dispositif instrumental et vocal, SCALD parvient à donner l’impression palpable de vouloir – et pouvoir ! – se faire le plus lourd et écrasant possible, tout en élevant cet incroyable édifice vers des hauteurs mystiques. Avec à la clé un des meilleurs albums de ce type de Doom austère et épique, animé par un souffle authentique. Il est par ailleurs évident que l’univers nordique adopté par SCALD ne fait qu’ajouter à la cohérence de l’ensemble. Aux ignares qui pensent que des Russes se prenant pour des Vikings, cela relève de l’effet de mode, ou de la volonté de singer BATHORY, je rappellerai à toutes fins utiles que les Rous’, guerriers et marchands en provenance de Scandinavie, s’établirent en Ukraine dès le 8ème siècle, avant d’imposer leur férule sur Moscou. La suite, on la connaît : des siècles de développement de la Russie, laquelle a donc des origines scandinaves avérées. SCALD était donc légitime quant à son concept.
Cette réédition doit représenter pour les jeunes générations une occasion de rattraper le temps perdu et de découvrir cet album qui, aujourd’hui encore, a conservé intacte sa capacité à fasciner et à faire voyager.
Alain Lavanne
Date de sortie: 16/07/2021
Label: High Roller Records
Style: Doom Métal épique / Viking Metal
Note: 18/20
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