Originaire de Louisiane, THOU est à ce jour un sextette, actif depuis 2005, avec cinq albums au compteur. Cela peut paraître un brin pingre. Cependant, pour mesurer au plus juste l’activité discographique du combo, il vaut mieux se référer à la quantité incroyable de formats courts, de compilations, de collaborations, souvent partagés avec d’autres groupes. Bien que résolument confiné à un périmètre underground restreint, THOU a néanmoins su exposer dans la durée sa créativité foncièrement maladive.

Créativité maladive ? Quoi d’autre, quand on sait que THOU évolue dans un registre mêlant le Sludge le plus intransigeant avec une architecture Doom Metal, sans compter quelques additifs ponctuels Crust ou Black Metal. Même si le groupe privilégie les formats relativement brefs (entre trois et cinq minutes), il faut bien admettre que « Umbilical » s’appréhende dans sa globalité, tant le répertoire proposé présente une cohérence d’ensemble évidente, quand bien même il est aisé de saisir des nuances franches entre tel ou tel morceau.

Concernant le versant Sludge, THOU coche une fois de plus toutes les cases. Volontiers portées sur des vrilles aigües, les guitares n’aiment rien tant que découper dans le vif de la chair, si ce n’est que la lame s’avère aussi mal aiguisée que perforante, vaille que vaille. Grand classique dans le genre extrême, les six cordes déraillent fréquemment et sciemment dans de douloureuses attaques distordues et stridentes. Au final, les dégâts s’avèrent massifs et les plaies béantes et suppurantes.
D’autant plus qu’en appui de ces riffs maladivement venimeux, on trouve une section rythmique absolument intraitable et, pourtant, instinctivement adaptative. Autour d’une caisse claire intraitablement sèche, le batteur se montre capable de développer un volume de jeu conséquent, d’assumer des accélérations tout autant que d’animer des séquences pesantes et lentes. Essentiel dans le dispositif, le bassiste balance à qui mieux mieux des lignes aux résonnances métalliques, servies toute en tension nerveuse, avec à la clé un vrombissement constant en fond sonore. Au total, le tandem assure à la perfection des rythmiques pesantes, sur un tempo majoritairement lent, sans pour autant verser dans une bouillie sonore.
Si abrasive et percutante soit-elle, la partie instrumentale n’en demeure pas moins strictement structurée, évitant le piège du magma confus et gratuitement extrémiste. D’ailleurs, THOU se montre si confiant dans sa maîtrise instrumentale qu’il se permet des formats plutôt conséquents : « Siege Perilous » (plus de cinq minutes), « I Return as Chained and Bound to You », « House Of Ideas » et « Narcissist’s Prayer » (au-delà de six minutes).

Elément essentiel dans le dispositif propre à THOU, les vocaux délivrés par Bryan Funck proposent un registre systématiquement écorché et aigre, néanmoins relativement et efficacement modulé.

Au total, THOU impose une vision personnelle d’un certain extrémisme, oscillant entre Death Metal primaire, Hardcore brutal, Doom basique et Sludge archaïque à la EYEHATEGOD des débuts. Le chaos semble dominer dans les textures, mais jamais les structures ne cèdent aux facilités bruitistes. En somme, ce cinquième album des hommes du bayou révèle un Doom Sludge impeccablement conçu et exécuté, incroyablement écrasant et hypnotique. En l’occurrence, il faut saluer l’exercice, toujours improbable, de maîtrise à l’intérieur même du chaos.

Alain Lavanne

Date de sortie: 31/05/2024

Label: Sacred Bones records (dist. Modulor)

Style: Sludge Doom Métal

Note: 16/20

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Kaosguards boss

Un passionné de metal complètement fou qui joue des coudes à tous les concerts.