Le duo ACOD m’avait fait très forte impression en 2022, avec leur cinquième album, « Fourth Reign Over Opacities And Beyond » (ici). Après le EP trois titres « Cryptic Curse » (2023), l’inspiration d’ACOD ne semble pas vouloir se tarir ou se raréfier, puisque paraît « Versets noirs », premier album à sortir sur le label indépendant Hammerheart records, notablement plus puissant que les militants Les Acteurs de l’Ombre.
On comprend très rapidement que les deux compères n’ont en rien renoncé à son Black Death Metal de très haute intensité, développant une brutalité frontale et assumée, enserrée dans des structures à tiroirs et rehaussée par des orchestrations classiques, mais ô combien vibrantes. Au rayon brutalité, on trouve les vocaux rageurs, venimeux et menaçants, dûment articulés et suffisamment modulés pour ne jamais lasser ; ils sont l’incarnation sonore de l’agressivité et de la démence. Sur la seconde marche du podium de la brutalité se tiennent les riffs de guitare tranchants, âpres, ponctuellement distordus, toujours prompts à découper et défoncer. En cela, ils sont puissamment propulsés par une section rythmique aussi à l’aise dans la frénésie la plus épileptique, que dans les breaks plus lents et plus lourds ; on salue tout particulièrement la puissance adaptative de la batterie, qui dynamise pleinement les fort nombreux changements de rythme et de tempo.
Mais, s’il n’était question que de dévastation, ACOD ne serait qu’un parmi des dizaines de milliers de groupes efficaces en la matière. Or, Fred et Jérôme ont indéniablement une ambition largement supérieure. On en veut pour preuve « Habentis Maleficia », le titre d’ouverture, qui dépasse le cap incroyable des vingt minutes ! Soit un énorme risque de boursouflure, de prétention et de ridicule. Que nenni, nous trouvons-là de l’audace dans l’agencement de séquences variées, unies par une commune lisibilité et par une maîtrise formelle millimétrée, transcendées par une intensité palpitante. Ce titre représente une opportunité par caser des brins de chant féminin (en intro et au plein morceau), une voix masculine parlée (en français), un break mélodique et atmosphérique à la fin de la neuvième minute, un final acoustique et dépouillé, sans oublier les adjonctions orchestrales. Une belle réussite, indéniablement.
Par la suite, ACOD fait feu de tout bois avec le trépidant « The Son Of A God (The Heir Of Divine Blood) », puis avec le carré, concis et trapu « A Thousand Lives in a Second ». « May This World Burn » renoue avec un format relativement conséquent (plus de sept minutes), qui voit se succéder une introduction paisible et une charge frénétique, freinée par un break mélodique et ambient à la troisième minute. Après quoi, le tempo s’affole à nouveau, tempéré par des arrangements de synthé. Le titre se clôture en mode synthétique et solennel.
Pour clore l’album, ACOD a choisi une reprise de SAMAEL, via le titre « Black Trip », qui ouvrait l’album « Ceremony Of Opposites » (1994). La version 2024 s’avère moins crasseuse, plus épique, surpuissante. Qui plus est, ACOD n’en fait pas une simple reprise bouche-trou, allant même jusqu’à proposer une vidéo de sa version (ici) !
Même si ce style de Black Death à arrangements symphoniques paraît a priori classique, ACOD fait montre d’une efficacité totalement maîtrisée (très gros son, mastering par Jacob Hansen, excusez du peu), transcendée par une interprétation vibrante de colère existentielle, taraudée par une folie malsaine.
Alain Lavanne
Date de sortie: 26/04/2024
Label: Hammerheart records
Style: Black Death Métal orchestral
Note: 18,5/20
Ecoutez ici