Formé en 2008 dans les Îles Féroé, le quintette HAMFERÐ ne se caractérise pas forcément par sa productivité discographique. En effet, « Men Guðs hond er sterk » (traduction : mais forte est la main de Dieu) n’est que le quatrième album du groupe, faisant suite au bref et inaugural « Vilst er síðsta fet » (2010), à « Evst » (2013) et à « Támsins likam » (2018) ; même en ajoutant les deux titres vinyle « Ódn » (2019), le bilan reste maigre. Par contre, la qualité a toujours été au rendez-vous et l’est derechef en 2024.
Plus que jamais, le fond de jeu qui caractérise HAMFERÐ est un Doom Death mélodique et mélancolique, relativement classique quant à ses fondamentaux : un tempo général lent, des riffs aussi rêches que du granit, des notes de guitares tenues et mélancoliques, des solos dramatiquement construits et mélodiquement chargés, des vocaux caverneux et gutturaux (quoique suffisamment animés pour ne pas sonner de manière monocorde), des nappes de claviers spectraux en arrière-plan.
Dérogeant franchement à ce plan de jeu classique, sur le monstrueux « Hvølja », le groupe s’offre un authentique et impressionnant exercice de style en matière de Funeral Doom, avec un résultat implacablement pesant, grondant, avec des guitares bruitistes et des vocaux littéralement d’outre-tombe. Brutal et abyssal !
Cependant, il ne sera pas dit que HAMFERÐ saura se contenter du statut d’énième habile faiseur de Doom Death mélodique. Aussi, le quintette développe avec maîtrise et intelligence pas moins de deux dimensions essentielles à sa personnalité.
En premier lieu, on ne peut que saluer le second registre vocal, totalement clair, développé avec puissance ou avec délicatesse, selon les besoins dramatiques de telle ou telle partie d’un morceau. Qui plus est, le chant dans la langue des Îles Féroé induit une diction articulée, très particulière et originale, particulièrement propice. Parfois presque parlé (avec un rendu intimiste palpable), souvent subtilement poussé presque en mode épique, consacre l’ambition dramatique du groupe.
En second lieu, comment ne pas relever la multiplication des arrangements, voire des séquences pleines et entières, marquées par une atmosphère paisible, forcément un brin mélancolique, des motifs simples et limpides de guitares acoustiques, sous-tendu de ponctuations rythmiques subtiles. Non seulement les fans de Neo Prog 80’s (et héritiers actuels) peuvent apprécier, mais je suis certain que les adeptes du FATES WARNING depuis les années 2000 peuvent trouver de profondes sources de satisfaction sensorielles et émotionnelles sur cet album riche et intense.
Conceptuellement consacré à la mort en 1915 de quatorze pêcheurs rabattant des baleines vers les rivages d’un village des Féroé, cet album se clôt sur le titre éponyme, passablement significatif et distinctif. Sur un sobre mais poignant accompagnement acoustique, voici le témoignage oral (recueilli dans les années 50) d’un survivant de ce désastre humain, advenu à portée de vue des villageois postés sur le rivage – qui ne doit pas faire oublier le tribut payé par les cétacés, chacun appliquant librement son échelle de jugement ou de valeur.
Album à la fois très maîtrisé dans sa structuration et son exécution, et très vivace dans son interprétation : de toute beauté !
Alain Lavanne
Label: Metal Blade Records
Date de sortie: 22/03/2024
Style: Doom Death Métal
Note: 18/20
Ecoutez ici