Autant prévenir, l’écoute de ce quatrième album du trio suédois SATURNALIA TEMPLE ne s’avère pas de tout repos et exige un état de concentration, proche de la soumission. S’il fallait dramatiser l’enjeu, on pourrait même aller jusqu’à lâcher le mode de rituel, bien que le groupe lui-même ne le revendique aucunement. Paradoxalement, on a rarement entendu un groupe se montrer aussi ambitieux, tout en utilisant une recette aussi drastiquement dépouillée. Tentative de description…

Quand bien même le propos du groupe se veut ésotérique et magique, la mise en pratique n’a guère recours à des artifices impressionnants ou démonstratifs. Mise à part « Drakon », l’introduction de deux minutes, toute en riffs rêches et chœurs fantomatiques, les sept autres compositions de « Paradigm Call » se divisent en deux blocs, au niveau des formats : trois titres tournant autour des cinq minutes, quatre autres dépassant les sept minutes, « Revel In Dissidence » frôlant de fort peu les neuf minutes (raison pour laquelle on vous l’a mis en lien dans cette chronique). Ces précisions de durées étant apportées, je vous avoue que j’aurais tendance à considérer que l’écoute de cet album ne peut s’effectuer que d’une seule traite, afin que l’auditeur en ressente l’essence pure et entière et en subisse un impact maximal.

Car, de fait, durée longue ou plus concise, on entend la même recette à l’œuvre. En premier lieu, le tempo demeure invariablement lent, ponctué par une batterie au son plus sec, voire aigrelet. L’épaisseur rythmique se trouve d’avantage fournie par des lignes de basses épaisses et grondantes, aux motifs redondants. Sur ce déroulé austère, la guitare rythmique débite des riffs rêches au possible, digne des débuts de CELTIC FROST ; débités en mode foncièrement laconiques et déshumanisés, ces riffs forment des motifs extrêmement simples, dont la répétition et les rares variations instaurent une emprise carrément hypnotique. D’où cette sensation ritualiste palpable.

Les vocaux, caverneux, aigres et franchement hostiles, sont assénés avec un laconisme, similaire à celui de la section rythmique et des riffs. Laconisme froid et malsain, qui n’empêche aucunement des variations bienvenues dans les intonations, voire des superpositions de lignes de chant, des entrelacs d’échos. Le registre vocal achève de sceller le caractère vénéneux et hypnotique de SATURNALIA TEMPLE.

Reste à signaler une dimension complémentaire, non négligeable, à savoir prodiguée par une guitare solo qui délivre des prestations fortement marquées par le Rock psychédélique, avec une économie de notes et un feeling bluesy, le tout servi par un son bitumineux au possible. Assurément, les fans de Stoner extrême peuvent se sentir légitimes à tenter l’expérience d’une écoute d’une traite de « Paradigm Call ».
Aux confins du Doom le plus austère, des sonorités rythmiques et vocales plus proches du Death initial, d’un Stoner franchement marécageux, « Paradigm Call » s’impose comme un album -volontairement – difficile d’approche, un brin procédurier et systématique, mais, au final, conforme aux ambitions du trio. Seuls les plus braves sauront subir cette épreuve, et je gage que c’est en quelque sorte le but du groupe : attirer les audacieux, à la fois misanthropes et mystiques. Pari réussi.

Alain Lavanne

Date de sortie: 01/03/2024

Label: Listenable records

Style: Death Doom Métal

Note: 17/20

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Kaosguards boss

Un passionné de metal complètement fou qui joue des coudes à tous les concerts.