En matière de Doom Metal, la France a fort longtemps fait figure de terra incognita, que ce soit en matière de « marché » ou de scène locale. Après quelques fort longues disettes en matière de Doom hexagonal, la scène française semble en mesure de produire, plus ou moins régulièrement, des formations solides, quel que soit le sous-genre adopté. Petit exercice de citation de noms : BOTTLE DOOM LAZY BAND, HANGMAN’S CHAIR, CONVICTION, ATARAXIE, BARABBAS, CARCOLH, CHILDREN OF DOOM, CLOUDS OF DEMENTIA, NORNES, DEATHBELL, RISING DUST, FATHER MERRIN, NORTHWINDS, autant de citations (arbitrairement choisies pour leurs valeurs qualitatives à mes oreilles) qui valident objectivement l’existence d’une scène Doom française, rare mais artistiquement vivace et diversifiée. Le tableau est certes peu encombré et, de fait, le trio WITCHORIOUS peut de facto y inscrire sans encombre son nom et son répertoire. En matière de Doom, la formule du trio s’avère plutôt rare mais, en l’occurrence, elle paraît parfaitement recevable. Soit un effectif réduit mais ultra-motivé : soit Antoine AUCLAIR (guitare), Lucie GAGET (basse) et son frère Paul (batterie), Antoine et Lucie se partageant les vocaux.

Magnifiquement servies par un son vibrant et granitique, ainsi que par un mixage absolument limpide et subtil (qui d’autre que le maestro Francis CASTE aux manettes ?!), les dix compositions (pour plus de 56’ de durée totale), révèle une personnalité propre, impressionnante, certes non dénuée d’influences, mais ô combien performative !
Débutons notre analyse pour le versant instrumental, avec, primum inter pares, le riff de guitare. Fort communément, la guitare rythmique dans les registres Doom va tenter de produire les riffs les plus lapidaires, les plus laconiques et plus épais. Dans le cas présent, le traitement des rythmiques se révèlent sous un jour particulier. Certes, les riffs se font massifs et hostiles, mais ils sont également secs et tranchants, affinés au possible, comme inspirés par les exercices les plus contrastés de SLAYER, à savoir South Of Heaven et Seasons In The Abyss.
Sur le pur plan rythmique, WITCHORIOUS révèle un point commun avec des albums des maîtres du Thrash Metal, comme avec les patterns du Doom Metal basique. Ainsi, la batterie semble tout à la fois intraitable entre matière de lenteur et de laconisme, tout en se montrant capable de prestations plus souples et plus groovy, rejoignant ainsi les références prestigieuses évoquées ci-avant. Par ailleurs, il est heureux que WITCHORIOUS ait mis en place une section rythmique aussi mobile que puissante (diantre, ces lignes de basse sur l’imposant et conclusif Why !).
Cependant, les qualités instrumentales, inhérentes à ce premier opus, ne relèvent pas uniquement d’une formule – déjà juteuse en soi ! – relevant d’un Doom rugueux (presque Sludge), rampant (SAINT VITUS tu chériras), riche en guitares tour à tour âpres et mélodieuses (dans l’esprit de KYLESIA). Ainsi, de nombreuses plages de guitares relèvent d’un psychédélisme on ne peut plus électrique et orageux : de quoi varier les sonorités et les ambiances, quitte à franchement troubler les cartes !
Un aperçu de l’impétueux et intraitable versant instrumental ayant été donné, il reste à appréhender la dimension vocale, partagée entre le guitariste Antoine et la bassiste Lucie. Le premier alterne prestations en mode clair (mais filtré) et colériques (évoquant parfois le Jaz COLEMAN de KILLING JOKE en configuration furieuse), tandis que la seconde délivre des lignes simples et limpides, assurées, hélas trop rares. Saluons la volonté du trio de contourner pour partie les facilités des chants extrêmes, constat qui, en sus du fort potentiel psychédélique instrumental, réserve des lendemains on ne peut plus prometteurs.
Belle, très belle découverte !

Alain Lavanne

Date de sortie: 16/02/2024

Label: Argonauta records

Style: Doom Métal

Note: 17/20

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Kaosguards boss

Un passionné de metal complètement fou qui joue des coudes à tous les concerts.