A la toute fin du siècle précédent et dans la première décennie du XXIème, le groupe finlandais TENHI a singulièrement contribué à un regain d’intérêt pour le Neo Folk. Dans les années 80, cette appellation un brin nébuleuse servit à désigner des formations (DEATH IN JUNE, CURRENT 93, SOL INVICTUS pour citer les pionniers), passablement différentes les unes des autres, quoiqu’ayant en commun l’usage d’instruments acoustiques, mis au service d’une musique sombre, souvent mélancolique, profondément ancrée dans les cultures européennes. Bien que n’ayant jamais prétendu redéfinir le Folk, Neo ou pas, TENHI fit forte impression dès son premier album, « Kauan », paru en 1999 (un album tellement marquant qu’un groupe russe le prit pour nom !). Il fut suivi par « Väre » (2002), « Maaäet » (2006), « Airut:aamujen » (2006 également, année faste !) et « Saivo » (2011). A ne surtout pas négliger la copieuse et splendide compilation (triple CD, excusez du peu !) « Folk Aesthetic 1996-2000 », parue en 2007 et qui documentait notamment les débuts du groupe.
As du calcul mental que vous êtes, vous aurez compris que, après le magnifique « Saivo », TENHI a disparu des radars discographiques, faisant craindre une dissolution définitive. Plus d’une décennie plus tard, « Valkama » dément fermement la crainte d’une disparition. Cependant, le temps de gestation de cet album ayant été particulièrement généreux, qu’exprime aujourd’hui TENHI ?
En premier lieu, affirmons que les éléments incontournables du style propre au groupe demeurent encore et toujours. A savoir la guitare acoustique, le chant clair et grave, le tempo globalement lent, l’adjonction de multiples arrangements : chœurs et harmonies, instruments à vent (notamment la flûte), claviers (dont le piano), ajoutez une prise de son minutieuse et un mixage parfaitement équilibré entre pré carré intimiste et, ponctuellement, ampleur épique.
En second lieu, il faut bien reconnaître que TENHI n’a pas mis à profit cette fort longue gestation pour proposer des pistes d’évolution, encore mois pour dépasser et redéfinir le cadre du Neo Folk. Nombre de groupes de Folk et Folk Rock des années 70 abordèrent le tournant des années 80 en optant pour des sonorités nettement plus lisses, parfois à la limite du New Age ; il suffit de songer aux mutations de formations phares du Folk des années 70, comme les Ecossais de CAPERCAILLIE et les Irlandais de CLANNAD, qui muèrent d’une musique Folk profondément enracinée, mais dynamisée, vers une version émolliente des sonorités traditionnelles. Impeccablement lissées pour un profilage calibré vers un bien-être un brin forcé entre des airs Folk et des modalités de mise en forme plus policées, plus numériques, avec la clé d’une invasion d’encore vertes sonorités numériques, ces vagues submersives eurent raison des racines Folk.
Fort heureusement, TENHI ne succombe pas à une telle tendance. Cela dit, on peut raisonnablement estimer que TENHI s’est affadi, mais plutôt qu’il s’est assagi. Autrement dit, la charge mélancolique demeure tout aussi présente, quoique dispensée de manière plus paisible que par le passé. Car là réside tout le mystère de ce nouvel album, partagé entre pièces longues (ne seraient-ce que les onze minutes et plus du premier titre « Saattue ») et morceaux plus concis. Dans tous les cas, le registre demeure intimiste et pondéré, ce qui n’exclue aucunement les variations dans l’intensité émotionnelle, opérées subtilement, grandement par le biais des arrangements vocaux et instrumentaux ; la base de chaque titre demeurant fondamentalement dépouillée, la moindre adjonction injecte forcément une touche spécifique appréciable.
A des années-lumière d’une appropriation bovine du Folk par le Metal, venez au contraire vous baigner dans la source fraîche et paisible d’un Folk apaisé, quoique fondamentalement taraudé par une angoisse et une mélancolie, typiquement européennes. Si TENHI ne bouscule plus les règles dorénavant, tolérons et admettons que le groupe les exerce avec maîtrise.
Alain Lavanne
Date de sortie: 09/06/2023
Label: Prophecy productions
Style: Néo Folk
Note: 17/20
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