Formé fin 2007, le quartette du Colorado s’est efforcé dès son premier album confidentiel, « Algiz + Berkanan » (2009), de combiner des éléments a priori antithétique. Un peu comme s’il fallait être à la hauteur de l’animal mythologique constitutif du nom du groupe. Soit un gigantesque destrier à huit jambes (pour votre gouverne, le cheval n’a pas des pattes mais bien des jambes !), que chevauche Odin et qui permet à celui-ci tant de franchir le pont Bifröst que de survoler les flots et de fendre les airs. Il est par ailleurs assez surprenant de constater un couple de géniteurs singulier, puisque constitué du dieu trickster Loki (pour l’occasion métamorphosé en jument) et d’un étalon. Autant dire que se placer sous la férule de Sleipnir implique un positionnement identitaire pour le moins complexe.

Loin de réduire cette complexité, « Eventide », septième album, perpétue une équation complexe. Histoire de se donner de l’espace pour développer ses structures à tiroirs qui étagent des séquences successives, contrastées, le groupe a privilégié des formats conséquents, se situant entre six et huit minutes. Soit une sorte de compromis entre des débuts aux pratiques plus concises et les deux albums plus récents, « V » (2014) et « Skadi » (2017), qui comportaient plus fréquemment des durées de dix minutes.
D’un point de vue stylistique, THE FLIGHT OF SLEIPNIR conserve sa diversité mais tend à vouer « Eventide » à une tendance Black Metal nette. En premier lieu, les vocaux se font majoritairement aigres, agressifs et âpres, avec toutefois des dérogations, comme sur le magnifique « Harvest » chanté en registre clair. Relevons en outre des accélérations conséquentes, où les guitares tissent l’habituelle trame de riffs en trémolos. Même les riffs qui se font plus marqués, mieux dessinés, conservent un rendu sec et rêche.

Tout l’art du contraste consiste ici à apporter de la variété au sein d’une même composition. Le rendu des guitares rythmiques se veut aride ? On n’en multipliera que davantage les solos mélodiques, gorgés de feeling, ainsi que les plans de guitare en son clair et acoustique. On note également de belles parties de slide guitar qui injectent un soupçon d’Americana dans cet univers sévère et épique. Preuve que THE FLIGHT OF SLEIPNIR privilégie l’authenticité du rendu à la trop stricte conformité à un corpus de règles rebattues, propres au Metal extrême.
Au rayon tempo, les accélérations se trouvent valorisées par des parties mid-tempos, voire carrément lentes (avec des relents Doom bénéfiques). Parfois, la section rythmique suspend son abattage pour permettre des portions plus apaisées et atmosphériques.
Au total, la variété du propos construit un univers complexe au niveau des dispositifs et des ambiances, et aride dans sa mise en forme. Peut-être celles et ceux qui avaient pleinement apprécié les deux albums précédents se trouveront quelque peu pris à rebours par cette orientation plus rugueuse, mais cela montre surtout l’intégrité d’un groupe qui préfère demeurer fidèle à ses pulsions, plutôt que de polir encore et encore une formule, au risque de l’affadir.

Alain Lavanne

Date de sortie: 28/05/2021

Label: Eisenwald

Style: Black Doom Métal

Note: 15/20

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Kaosguards boss

Un passionné de metal complètement fou qui joue des coudes à tous les concerts.