L’EPITAPH à propos duquel nous allons disserter est une formation italienne, formée en 1988, qui s’agita initialement sous les radars discographiques, produisant trois démos entre 1988 et 1994. Comprenant pas moins de deux membres d’une autre formation transalpine, BLACK HOLE, le combo s’inscrivait pleinement dans la mouvance du Heavy Doom gothique transalpin qui permit, au fil des décennies, la prolifération souterraine de formations aux multiples parfums ésotériques et métalliques, comme DEATH SS, les multiples projets de Paul CHAIN (ex-guitariste de DEATH SS), BLACK HOLE, ANTONIUS REX, DEVIL DOLL, MALOMBRA, HANDS OF ORLAC, THE OSSUARY, SOMMO INQUISITORE…
Après une interruption d’activité, le groupe publia enfin son premier album, le bien titré Crawling Out Of The Crypt (2014), avant d’enchaîner avec Claws (2017). Histoire de soigner son retour aux affaires, le groupe italien a pris deux résolutions essentielles à la réussite de ce troisième opus : s’assurer (enfin !) d’une production et d’un mixage dignes de ce nom d’une part, des services d’un chanteur à la hauteur du Metal entre Doom épique à la CANDLEMASS et Heavy Metal à la BLACK SABBATH.
Concernant le premier critère, éminemment technique, force est d’admettre qu’un son limpide et puissant inscrit de plain-pied dans une acceptabilité auditive, complètement raccord avec les compositions dans le registre Heavy Doom proposé ici. Autant pour les zélateurs fanatiques d’un son pauvre et saturé, délectable mais limitatif. Avec ce nouvel opus, tout amateur de Heavy et de Doom épiques peut et se doit de découvrir les nouvelles compositions proposées par EPITAPH. Cela comprend les cohortes nostalgiques de BLACK SABBATH, de l’époque Ronnie James Dio (« Heaven And Hell » en 1980 et « Mob Rules » en 1981), puis période Tony Martin (surtout les albums « The Headless Cross » en 1989 et « Tyr » en 1990). Mais également les zélateurs de CANDLEMASS (époques Messiah Marcolin, Thomas Vikström et Robert Lowe surtout) et de SOLITUDE AETURNUS. N’allez pas en conclure que ce troisième album d’EPITAPH se résume à une concaténation mécanique d’influences : le groupe a su s’emparer de ses influences pour les faire siennes, via des compositions structurellement riches en breaks et en variations dramatiques. C’est très précisément pour cette capacité stylisée à varier puissamment les dispositifs rendant compte du deuil, de la désolation, de la morbidité, du dépassement métaphysique, qu’on peut accueillir « Path To Oblivion » comme une franche réussite.
Sur le plan instrumental, le groupe maîtrise à merveille l’art des variations dramatiques, entre plages d’ambiances troubles, dispositifs mélodiques et limpides et, forcément, séquences à base de riffs massifs, appuyés sur des tempos lents par une section rythmique qui sait demeurer dynamique. Quant à la guitare, si elle sait se montrer intransigeante quand il s’agit de débiter du riff d’aciérie, elle équilibre idéalement via des plans plus aérés et mélodiques, via surtout des solos très construits et vibrants.
Les instrumentistes, metteurs en son et compositeurs ayant été dûment louangés, il est largement temps de rendre sa part au nouveau chanteur Ricky Del Pane. Le bonhomme ne m’est aucunement inconnu, puisque j’ai eu amplement le temps de savourer ses talents au sein de BUTTERED BACON BISCUITS (relire ici), puis WITCHWOOD (relire ici et ici) et encore là.
Registre ample, coffre puissant, capacité à moduler de manière expressive et variée : non seulement l’homme est techniquement affûté mais il s’adapte parfaitement au contexte Heavy Doom, en injectant dans ses vocaux ce qu’il faut de passion et de dramaturgie pour faire décoller l’ensemble largement au-delà des contingences trop prosaïques.
Dans la lignée des Grands Anciens BLACK SABBATH, CANDLEMASS, SOLITUDE AETURNUS et de formations plus récentes comme les Suédois de SORCERER, les Italiens d’EPITAPH côtoient le sommet du panier en matière de Heavy Doom Metal. Plus que jamais, nous avons besoin d’un Metal capable de transcender le quotidien…
Alain Lavanne
Date de sortie: 20/12/2024
Label: My Kingdom Music
Style: Epic Heavy Doom Metal
Note: 18/20
Ecoutez ici