Diantre, que cet album m’a laissé perplexe ! Résultat : trois mois pour trouver des mots en rendant compte. Comprenez-moi, DROPDEAD CHAOS affiche ostensiblement des influences qui remontent aux années 90 et 2000, quand le Metal velu à la PANTERA, SEPULTURA ou même ANTHRAX, dans la droite lignée de la Fusion des années 80-90, s’hybrida avec l’Indus, le Rap, le Funk, la Soul, l’Electro, le Rock gothique, pour accoucher de ce qu’on allait appeler le Nu Metal. De cette vague non homogène émergèrent des groupes immenses, artistiquement et souvent commercialement : KORN, LIMP BIZKIT, SLIPKNOT, DEFTONES, PAPA ROACH, COAL CHAMBER, SYSTEM OF A DOWN… Pour des raisons inexplicables, hormis les génialissimes SYSTEM OF A DOWN, je passai complètement et durablement à côté de cette vague. Difficile donc de se sentir légitime pour évaluer un projet qui se réfère pleinement à cet héritage copieux et proliférant.

Mais je manque à tous mes devoirs en ne vous présentant pas les acteurs et la brève histoire de DROPDEAD CHAOS. Soit un collectif de six membres actifs des scènes Metal et Rock remuant française (seul le stakhanoviste surnommé Déhà nous vient d’outre-Quiévrain). Le pedigree collectif comporte les groupes suivants (liste non exhaustive) : SMASH HIT COMBO, BLACK BOMB A, BETRAYING THE MARTYRS, WOLVENNEST, TREPALIUM, LES TAMBOURS DU BRONX, TREPALIUM, FLAYED, CULT OF ERINYES, WE ALL DIE (LAUGHING), T.A.N.K., LYR DROWNING, LOUDBLAST… excusez du peu (celles et ceux qui suivent les scènes extrêmes hexagonales apprécieront ce palmarès) ! Sous la houlette du producteur HK (Vamacara studio), le collectif publia trois singles lors du grand confinement de 2020. A l’époque, on pouvait penser à trois brèves détonations, parfaits dérivatifs pour des artistes en panne d’agendas. Mais voilà que paraît ce premier album, preuve que l’envie a su perdurer et enjamber les phases Covid-19 et post Covid-19.

Outre les trois compositions déjà parues en 2020, on découvre sept autres morceaux inédits. L’ensemble malaxe en effet des influences très nombreuses, à base de riffs épais, parfois distordus jusqu’à la stridence, posés des lignes de basse puissamment musclées et tendues, avec une batterie en perpétuel mouvement. D’un point de vue rythmique, quel que soit le tempo, ça cogne fort, ça pèse lourd, ça rebondit amplement. Au niveau vocal, Renato di Folco et Déhà se plaisent à, jouer au Beau énervé et au Bestiau vindicatif, avec un souci de complémentarité et de nuance dans une expressivité débordante d’affects dramatiques.

Il est désormais acquis qu’en termes de puissance de tir et de groove massif, DROPDEAD CHAOS vient d’arracher le bac en candidat libre, avec mention. Mais le collectif ne se contente pas de tondre la pelouse en retournant le terrain, il sait faire preuve de diversité et de subtilité. Ainsi, les plages plus subtiles, plus sensibles abondent. Les tangentes au Metal musculeux abondent, toujours intelligemment posées : solos de guitare à la volubilité technique et mélodique typique du Heavy Metal, phrasés rap, arrangements acoustiques ou Electro, on sent le travail minutieux, tant vocal qu’instrumental, qui vise à créer de la profondeur, de la nuance, de la sensibilité et, surtout, des contrastes fructueux.

Même s’il ne défriche aucun territoire vierge, ce premier album de DROPDEAD CHAOS peut tout à la fois réactiver les agitations troubles des fans du Nu-Metal originel et générer des conversions jeunes et nouvelles, qui effectueront peut-être le voyage rétroactif en direction des racines. En attendant, se tient devant nous un album ambitieux, solide et vigoureux, plus subtil et diversifié qu’il n’y paraît de prime abord. La mise en forme, parfait équilibre entre des rendus authentiques, des traitements rythmiques tournés vers une efficacité au premier impact, une attention délicate aux arrangements diversifiés, le tout servi par un mixage percutant et détaillé. En résumé, aucune révolution, aucune réinvention, mais un projet artistique qui assume ses origines, tout en évitant tout phénomène de mimétisme et de passéisme. Les vétérans des années Nu Metal peuvent aisément succomber ; de même que la jeune génération peut s’acculturer au Metal hybride via cet opus.

Alain Lavanne

Date de sortie: 07/04/2023

Label: AT(h)OME

Style: Métal

Note: 17/20

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Kaosguards boss

Un passionné de metal complètement fou qui joue des coudes à tous les concerts.