BLUT AUS NORD, ou plutôt son maître à penser Vindsval, ne fait que ce que bon lui semble et c’est pour cela que ce projet mérite qu’on le respecte. Et tant pis si les nettes variations au sein d’un vaste champ typé Black Metal peuvent dérouter, voire exaspérer les plus conservateurs ; il n’y a qu’à se rappeler certaines réactions affligeantes ayant accompagné la sublime trilogie « 777 » au début de la décennie 2010, ou plus récemment le plus mélodique « Hallucinogen ».
Sans abandonner la ligne (relativement) plus claire assumée sur « Hallucinogen », BLUT AUS NORD opte avec « Disharmonium – Undreamable Abysses » pour une approche plus impérieuse, globalement plus suffocante. Le différentiel entre les visuels de ces deux albums successifs me paraît en la matière significatif. Autant les champignons représentés par Dehn Sora correspondaient aux velléités mélodico-psychédéliques de « Hallucinogen », autant la monstruosité lovecraftienne, signé par Maciej Kamuda, annonce idéalement les cauchemars obsessionnels et tyranniques à l’œuvre sur « Disharmonium – Undreamable Abysses ».
Principalement dominées par le versant instrumental – les vocaux planant tels des spectres au fond du mixage -, les sept compositions de ce quatorzième album affichent des durées raisonnables (autour de six minutes, à l’exception de l’introductif « Chants Of The Deep Ones » qui culmine à 7’40). Format idéal, à la fois pour développer des ambiances rythmiquement et mélodiquement hypnotiques et pour ne pas se perdre dans des digressions complaisantes. Car tous les titres s’avèrent rythmiquement très tenus, puissants et impérieux, notamment grâce à la très grosse activité de la batterie.
Autre élément essentiel dans l’identité propre à cet album, la dualité des guitares. D’un côté, la guitare de Vindsval installe une trame de riffs assez indistincts, avec un effet muraille redoutablement efficace. D’un autre côté, elle trace des inserts aux mélodies sinueuses, voire franchement dissonantes. Loin de s’avérer contradictoire, la combinaison des deux dimensions démultiplie l’effet narcotique sur l’auditeur. Si l’on veut se livrer à un jeu de triangulation en matière de références, il me semble que BLUT AUS NORD se place ici à la confluence entre l’âpreté misanthropique propre au Black Metal, la puissance rythmique écrasante du Death Metal et les motifs tordus, glaçants, grinçants et obsédants propres au Post Punk (saint KILLING JOKE, merci d’avoir béni cet opus). Une chose est certaine, c’est qu’au-delà de la première impression – très favorable, en ce qui me concerne -, « Disharmonium – Undreamable Abysses » ne se révèle pleinement qu’au fil d’écoutes répétées et minutieuses. Personnellement, il me semble que BLUT AUS NORD parvient ici à conjuguer les vertus évolutives et mélodiques de « Hallucinogen » et la férocité raffinée et tordue propre à la trilogie « 777 » : partant de là, pourquoi résister et même, comment ne pas succomber ?
Alain Lavanne
Label: Debemur Morti
Style: Black Métal
Note: 18/20
Ecoutez ici