Quand il y a plus de dix ans maintenant, Mikael Åkerfeldt estima avoir fait le tour du Death Metal – fut-il profondément progressif – et se lança corps et âme dans le Rock franchement progressif , j’avoue avoir été enthousiasmé, estimant par avance que cela allait débrider l’inspiration déjà florissante du guitariste-chanteur. J’avoue avoir quelque peu déchanté avec le bien nommé « Heritage » (2011), album quelque peu emprunté et écrasé par les références explicites et encombrantes au Prog de la décennie 70. Plus concentré, plus musclé, « Pale Communion » (2014) peinait cependant à faire émerger un Prog à la sauce OPETH : une vraie personnalité manquait encore dans l’écriture. Constant analogue en 2016 avec « Sorceress », qui plus est desservi par un son boueux.

Diantre, je commençais à me désespérer d’entendre OPETH pleinement à l’aise dans sa posture pleinement progressive ! Et voilà qu’en septembre 2019, le miracle se produisit avec l’arrivée de « In Cauda Venenum ». Soit dix compositions passionnantes, merveilleusement équilibrées entre puissance (l’empreinte du Metal, toujours bien présente par moments) et la finesse, entre la complexité technique et les évidences mélodiques. Qui plus est, l’album était livré en deux versions, l’une chantée en suédois (ma préférée), l’autre en anglais. Qui plus est, production et mixage préservaient idéalement le foisonnement de détails, sans perdre de vue la cohérence de l’ensemble. A mon sens, toutes époques confondues, il s’agit d’un des meilleurs albums d’OPETH, ni plus, ni moins. Le genre de disque que l’on écoute et réécoute au fil des ans, toujours en découvrant des nuances qui nous avaient échappés de prime abord. Un album pour le temps long, peut-être même un classique, digne de s’aligner à la suite de « Still Life », « Blackwater Park », « Deliverance », « Damnation » et « Watershed ».

Vous m’objecterez sûrement que mai 2022 n’est pas septembre 2019 et qu’il est bien tard pour signaler les qualités de « In Cauda Venenum ». Ce à quoi je rétorquerai que, l’occasion faisant le larron, je mets à profit la parution d’une version augmentée d’un troisième CD, riche de trois compositions et donc de six pistes (avec les versions anglaises). Point de rogatons indignes, de remplissage médiocre, car ces trois titres s’inscrivent pleinement dans la lignée des dix compositions de l’album originel.
Prenons « Pöbeln » (« The Mob ») : voilà une pure merveille de Prog principalement acoustique, illuminé par des harmonies vocales envoûtantes et par une instrumentation limpide (grosse influence du Folk progressif, mais aussi du Folk californien des 70’s, à la CROSBY, STILLS & NASH), savamment épaissie et animée par une section rythmique subtilement puissante.
Viens ensuite le cinglant « Cirkelns Riktning » (« Width Of A Circle ») qui réintroduit une grosse dose de Metal lourd et tranchant dans les rythmiques, épaissies qui plus est par un orgue brumeux. Bien que limpides, les lignes de chant déploie une intensité émotionnelle qui accompagne idéalement la sévère instrumentation. Saluons également le solo de guitare funambulesque de l’immense Fredrik Åkesson, soliste synthétisant sublimement le meilleur de Ritchie Blackmore, Randy Rhoads et Michael Schenker en termes de technicité et de feeling, avec une touche de shred implacable : du grand art !
« Frihet & Tyranni » (« Freedom & Tyranny ») donne à entendre un versant plus romantique d’OPETH : voix presque langoureuse, soutenue par des harmonies aériennes, claviers vintage imitant des cordes (réminiscences des MOODY BLUES et de PROCOL HARUM). Le titre progresse de manière solaire, avec juste un voile de brume mélancolique. C’est splendide, baroque, délicat, tout en évitant la mièvrerie.

En conclusion, l’acquisition de cette version étendue – que je préfère qualifier de complète – n’est certes pas obligatoire, en ce sens que la déjà copieuse version originelle de « In Cauda Venenum » était qualitativement exquise. Cela dit, ces trois compositions supplémentaires (et ces six versions) sont bien loin d’être anecdotiques et prolongent le fantasme progressif d’Åkerfeldt au-delà de tous les espoirs (bon courage à tous les groupes qui, à l’avenir, proposeront des éditions spéciales à base de rebuts et de morceaux de seconde zone !). En 2019, OPETH a brillamment renoué avec sa maestria si particulière, en germe dès le premier album (« Orchid », 1995) et l’on se prend à espérer une prolongation de cet état de grâce.

Alain Lavanne

Date de sortie: 10/05/2022

Label: Atomic Fire records

Style: Rock/ Métal progressif

Note: 19/20

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Kaosguards boss

Un passionné de metal complètement fou qui joue des coudes à tous les concerts.