La brutalité peut-elle se prévaloir d’une esthétique ? A cette question philosophique digne d’une épreuve du baccalauréat, le duo originaire d’Utrecht WESSENWILLE répond à nouveau par l’affirmative. A l’instar de son prédécesseur, « I : Wessenwille » (2018), « II : A Material God » affiche haut et clair des partis pris esthétiques forts. Visuellement, le groupe opte pour des photographies en noir et blanc, représentant des paysages urbains modernes ; ici, il s’agit d’un cliché de Paul Strand, pris en 1915 à Wall Street, subtilement modifié pour obtenir un effet de flou. Et si tout le projet esthétique de WESSENVILLE reposait sur un agencement systématique d’éléments contrastés ? Tentons l’analyse…

WESENWILLE se trouve versé dans la grande famille du Black Metal et, de fait, le duo met en œuvre une bonne part des codes ad hoc : blast beats propulsant des parties fulgurantes, riffs en trémolos aigres et crasseux, vocaux éraillés et acides… le tout parfaitement En matière de misanthropie, de malaise, d’agressivité, WESENWILLE n’a de leçon à recevoir de personne et, pour autant, ne saurait être réduit à un énième combo de True Black Metal. Pourquoi ? Parce que les deux complices dans le crime convoquent d’autres genres. Par exemple, prenez ces guitares stridentes et dissonantes : plutôt Post Black, non ? Et ces solos de guitare limpides, très construits, porteurs d’une progression mélodique : belle inspiration Heavy Metal, ne trouvez-vous pas ? Et ces vocaux plus rauques mais tout aussi hallucinés, ce son de batterie assez grave et plein, cela ne vous rappelle pas un bon vieux Death Metal à la MORBID ANGEL des origines ? Et de temps à autres, quand les riffs se font plus tranchants et les rythmiques saccadées, ne serait-on pas en droit de soupçonner une influence du Thrash brutal et intransigeant ?

Poursuivons… Si la plupart des compositions affichent des durées relativement ramassées – entre quatre et six minutes -, le groupe ne peut s’empêcher de se lâcher avec trois morceaux excédant les sept minutes, histoire de bien souligner que, dans des formats en poil plus conséquents, le duo tient la route, maintient un haut niveau d’intensité, tout en multipliant les cassures rythmiques, les changements d’ambiances et de tempos. Car oui, autre contraste, WESENWILLE ne se cantonne pas à la très haute vitesse et truffe ses titres de breaks, de décélérations, propices à installer des ambiances glauques et rampantes, plus menaçantes qu’agressives.
Enfin, soulignons que si les vocaux et les guitares sonnent de manière âpre, il n’en demeure pas moins que le mixage garantit une juste exposition de tous les éléments mis en jeu, la netteté n’obérant en aucun cas l’impact brutal, les nuances ne faisant que mettre en exergue le rendu ravageur de l’ensemble.

En somme, s’il fallait donner un exemple probant de ce qu’est en 2021 le Metal extrême, je considère que « II : A Material God » ferait un échantillon bien plus crédible que je ne sais quel disque surgonflé de Metalcore. A titre tout à fait personnel, depuis l’achat de cet album, je ne cesse d’y revenir et de découvrir à chaque écoute de nouveaux détails, tout en prenant la soufflante comme lors de la première écoute. Mes compliments, messieurs.

Alain Lavanne

Date de sortie: 12/03/2021

Label: Les Acteurs de l’Ombre productions

Style: Black Métal

Note: 18/20

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Kaosguards boss

Un passionné de metal complètement fou qui joue des coudes à tous les concerts.