La découverte de « Slonk », quatrième album de la formation belge ALKERDEEL, oblige à se poser des questions primordiales, éminemment paradoxales. Par exemple : peut-on se vouloir foncièrement rébarbatif et susciter l’adhésion ? Ou bien : la brutalité peut-elle susciter la fascination ? Ou encore : la lourdeur est-elle compatible avec l’élévation ? A ces trois interrogations, l’esprit commun – le bon gros sens populaire, si vous préférez – répondra par la négative. Pour ma part, sans prétendre le moins du monde répondre à une démarche élitiste, je répondrai par un oui massif.

« Slonk » est avant tout pour moi une expérience sensorielle combinant de manière inattendue une passion très ancienne (le Doom Metal), une pulsion un brin endormie (pour le Black Metal dans ses modalités primitives, à la DARKTHRONE), un goût invétéré pour le Dark Ambient et le Drone. Commençons par le plus basique (en apparence), c’est-à-dire le morceau le plus court de cet album, à savoir « Eirde ». Soit une charge continue de plus de cinq minutes, d’une intensité étouffante. Les guitares bourdonnent et trament des motifs littéralement hypnotiques, tandis que le batteur évite les blast beats au profit de plans qui m’évoquent davantage le Punk le plus sauvage (DISCHARGE, GBH) et que le vocaliste éructe et râle, comme en transe. La différence avec les mille et uns groupes de True ou de Raw Black Metal ? ALKERDEEL agrémente cette trame de premier plan d’un arrière-plan touffu, oscillant entre fausse cacophonie et orchestrations chaotiques. Avec à la clé un son compact, qui déblaie tout, l’auditeur étant sensoriellement assailli.

Le long (plus de neuf minutes) morceau « Zop » reprend un schéma trépidant, saccadé et fascinant, mais habilement animé par des changements de rythmes et de tempos. Même pris à la gorge, l’auditeur ne peut s’empêcher de pogoter férocement. A peine plus court, « Trok » développe toutefois une ambiance follement épique, notamment grâce à des arrangements au rendu presqu’orchestral. Magistral !

J’ai gardé le meilleur pour la fin, ultime paradoxe puisqu’il s’agit du titre inaugural, « Vier », véritable colosse de plus de treize minutes qui, outre les outrances Black Metal déjà évoquées, met en avant la facette atmosphérique (avec l’introduction inquiétante, sorte de version cauchemardesque de la BO de « Blade Runner » par Vangelis) et le versant Doom avec des riffs granitiques, au rendu crasseux (un peu Sludge sur les bords), des rythmiques plombées, rehaussées par des arrangements graves et choraux absolument majestueux. Les vocaux écorchés et douloureux se muent en une litanie hallucinée et démentielle qui achève de nimber cette monstrueuse composition d’une aura impie. La progression inexorablement pesante se trouve à peine interrompue par des prurits rapides et vénéneux, mais c’est bien le mode pachydermique qui domine. ALKERDEEL signe avec ce morceau une pièce d’exception, qui a suscité en moi des sensations analogues à celles ressenties lors des découvertes respectives du « To Mega Therion » de CELTIC FROST, de « Stream From The Heavens » de THERGOTHON ou de « Solinari » par MORGION.

Par ces temps moroses et confinés, louons le sens de la démesure, la vitalité perturbante, l’âpreté viscérale, développés par ALKERDEEL.

Alain Lavanne

Date de sortie: 05/02/2021

Label: Consouling Sounds

Style: Black Métal atmosphérique à tendance Doom Sludge

Note: 18/20

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Kaosguards boss

Un passionné de metal complètement fou qui joue des coudes à tous les concerts.