Très franchement, qui ne voyait pas le retour du batteur Mike Portnoy au sein de DREAM THEATER comme une option de plus ou plus impérieuse au fil des ans ? La réintégration du batteur originel Mike Portnoy apparaissait a minima comme une option sérieuse. Ecartons les propos lénifiants répandus dans les interviews par les membres du groupe, chargés d’affirmer que ce fut un processus naturel ; quand bien même les conditions d’une réintégration n’auraient jamais été évoqués en amont (pas même en parallèle de la collaboration réitére du trio Portnoy-Petrucci-Rudess au sein de LIQUID TENSION EXPERIMENT en 2021), chaque membre de DREAM THEATER possède un inconscient, lequel devait les tarauder à propos du sort de ce diable de Portnoy, lequel ne devait plus savoir à quel saint se vouer pour qu’un de ses nombreux projets cartonne enfin… A bon entendeur, salut !

A titre purement égoïste, j’ai cassé la tirelire pour me procurer le coffret… sur le lequel je reviendrai en fin de chronique, afin de me concentrer sur les huit nouvelles compositions livrées par le groupe le plus fameux du Metal progresssif.
Pour ma part, les choses commencent plutôt mal puisque « In The Arms Of Morpheus », sous prétexte de montée progressive de la dramaturgie, nous inflige 2’30 de montée de claviers, avant d’une rythmique pour le moins puissante ne donne (enfin !) la tonalité de l’album. Pas de révolution en vue. Dûment adossée à l’incroyable jeu de basse de John Myung, John Petrucci a privilégié un accordage assez bas, histoire de balancer des riffs lourds comme des parpaings, lesquels entrent en contraste fructueux avec ses solos, certes techniques, mais jamais oublieux de la mélodie.

Une sensation initiale de puissance renforcée par la première véritable composition, « Night Terror ». D’une durée relativement raisonnable (9’55), le titre contient certes son lot de changements de rythme et de tempo, ses intrants solos brillants, le chant demeurant assez sobres. Cela dit, là où nous avons eu trop souvent droit à ce type ce morceaux puissants et techniques à la fois, DREAM THEATER fait l’effort de rendre ses riffs et rythmiques accrocheuses, sans oublier de pondre un refrain simple et efficace. On retrouve un équilibre assez similaire sur « Midnight Messiah », alors que « A Broken Man » démontre à merveille la capacité du groupe à alterner les passages trépidants et surpuissants et les développements plus mid-tempo, voire plus rampants.
Pourtant de bonne facture, « Dead Asleep » révèle un des nombreux tics d’écriture dès l’introduction (douce, voire timide, au piano) qui, inévitablement contraste avec un mur rythmique mid-tempo, lequel débouche sur des notes tenues de guitare solo, sous-tendues par des sons synthétiques. Et puis, devinez quoi : on revient à la rythmique lourde. C’est très bien réalisé, agréable à écouter mais cela demeure tout de même très téléphoné.
Pas forcément révolutionnaire, « Bend The Clock » se déploie en mode ballade sensible, débarrassée du gros son de guitare qui tend à s’imposer par ailleurs ; avec un refrain plus marquant, le groupe tenait là son morceau d’émotion brute.

Et puis, quasi-tradition chez DREAM THEATER, il demeure à expertiser le morceau-fleuve (ou monstre), à savoir « The Shadow Man Incident » qui domine les débats, avec ses 19’32. Le groupe entame par une relative surprise, avec une introduction lente et lourde, majestueuse comme du CANDLEMASS. Evidemment, les instruments se font ensuite plus nerveux et saccadés, avant un premier solo de guitare plus atmosphérique. Le premier couplet semble en apesanteur, comme posé sur une instrumentation délicate et douce. Inévitablement, une densification s’installe très progressivement, avant que le groupe n’atteigne un rythme de croisière assez appuyé. La force du morceau, c’est que les musiciens profitent de la durée très confortable du morceau pour laisser des ambiances se développer, là où ces instrumentistes blanchis sous le harnois ont trop souvent à bourrer chaque espace. Même l’intense chassé-croisé entre la guitare solo et les claviers conserve une musicalité raisonnable, c’est dire !

Même s’il faudra attendre sûrement quelques années avant que le groupe livre un nouvel album studio entre temps, nous aurons droit au CV ou DVD live !), nous ne saurions trop l’engager à opérer une diversification salutaire. Ainsi, DREAM THEATER devrait s’efforcer de ne plus concentrer les plages les plus mélodiques ou ambiantes au début de ses compositions, sauf à souffrir du syndrome de la prévisibilité (dont souffre grandement IRON MAIDEN depuis fort longtemps).

Cela dit, au-delà de la sûreté et de la virtuosité de l’interprétation, force est de constater que pas mal de facteurs militent en faveur de cet album : une prise de son plus live de la batterie, un mixage un tantinet plus aéré et donc plus dynamique (merci à Andy Sneap, guitariste remplaçant chez JUDS PRIEST, qui a déjà travaillé à la production et au mixage avec SAXON, JUDAS PRIEST, TESTAMENT, MEGADETH, AMON AMARTH, OPETH, EXODUS, AMON AMARTH et tant d’autres), des compositions globalement plus accrocheuses (ne descendant pourtant pas en dessous de 7’24, hormis cette introduction mi-figue, mi-raisin), des sonorités de claviers moins crispantes qu’à l’accoutumée (bonne idée, l’orgue). Sans rien renier aux qualités respectives des cinq albums studio enregistrés en compagnie de Mike Mangini, batteur très technique et fin, il faut admettre que le retour du batteur prodigue semble avoir impulsé un élan nouveau dans l’interprétation ; même si le sens de la composition et de l’écriture ne délivre aucune réelle surprise, même si les arrangements frôlent parfois un certain maniérisme pompier, on sent une vibration d’ensemble plus franche. Cela dit, en jouant la carte de la tradition, DREAM THEATER s’offre un joli rebond dans sa carrière. Toutefois, un peu plus d’audace à l’avenir ne ferait pas de mal… Ne faisons pas la fine bouche : DREAM THEATER revient gonflé à bloc, avec un fort bel album dans sa musette.

[Notes sur le coffret limité :
Apparemment limité à 3500, dûment numéroté via un certificat (le mien porte le numéro 571), ce coffret comporte l’album (1 CD), les versions instrumentales (pour les instrumentistes… ou pour les allergiques au chant de James LaBrie !) ainsi qu’un Blue-Ray comportant la version Dolby Atmos et 5.1 surround. Plus la version double album vinyle (double couleur vert foncé, avec un visuel spécifique, le plus positif et frappant de ceux du coffret, à mon sens). Sans compter un imposant livret de 68 pages (couverture cartonnée, regorgeant d’illustrations d’Hugh Syme, nous y reviendrons), un poster au visuel impressionnant (quoique compris dans le livret), un porte-clé (un attrape-rêve aménagé au logo du groupe), un masque de sommeil frappé du logo DT, un « sleep journal » dans lequel vous pourrez noter vos rêves.
Les illustrations du graphiste Hugh Syme (ayant travaillé pour RUSH, MEGADETH, FATES WARNING, QUEENSRŸCHE, SAGA et quantité d’autres) ont été créées en rapport avec le concept tournant autour du sommeil. Si on doit saluer son sens des motifs marquants (assez sinistres dans le cas présent) et de la composition, force est de reconnaître que certaines finitions numériques semblent dépassées (notamment les éclats de verre sur plusieurs œuvres). De même que certaines finitions photographiques laissent à désirer. Des détails certes, mais à ce niveau, le perfectionnisme demeure requis dans tous les domaines.]

Alain Lavanne

Date de sortie: 07/02/2025

Label: Inside Out

Style: Métal progressif

Note: 18/20

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Kaosguards boss

Un passionné de metal complètement fou qui joue des coudes à tous les concerts.