Actif depuis 2006, le combo marseillais ACOD possède une discographie honorablement fournie ; cependant, il m’aura fallu attendre « Fourth Reign Over Opacities And Beyond », son cinquième album, pour découvrir le Black Death orchestral du désormais duo. En effet, cet album ambitieux et copieux est le fruit de la collaboration entre d’une part Jérôme, en charge de la composition, des guitares, de la basse, d’autre part Frédéric Peuchaud, auteur des paroles et vocaliste (la batterie a été fort brillamment assurée Nicolas Muller, dans un rôle de session). Au fil de dix titres (pour une durée totale excédant 50’), le tandem déploie avec hargne et majesté un Black Death parfaitement équilibré entre l’acidité acrimonieuse du Black Metal et la lourdeur rythmique du Death Metal.
Propulsées par une batterie déchaînée et létalement précise, les rythmiques raclent jusqu’à l’os, tout en percutant à pleine puissance, que ce soient à haute vitesse ou en mode mid tempo rampant et venimeux (un petit côté SATYRICON de bon aloi) ; rares mais marquants, les passages lents s’avèrent carrément imposants. Jérôme n’a aucune leçon à recevoir en termes d’efficacité maximale. Bien que ses compositions se basent sur un agencement de séquences multiples et différenciées quant aux tempos, aux rythmes et aux ambiances, le résultat demeure globalement aisé à appréhender.
Les nombreux arrangements orchestraux concourent pleinement à l’identité musicale d’ACOD. Entendons-nous d’emblée, on ne vous parle pas d’orchestrations, instrumentales ou chorales, au rabais, repiquées dans des banques de sons à deux balles. On vous parle ici de sons suffisamment détaillés pour sonner de manière crédibles. Par ailleurs, si utiliser des sons de qualité constitue un critère incontournable, reste encore à savoir les agencer correctement, dans un substrat de Metal extrême déjà fort consistant et bouillonnant. Dans le cas présent, on retrouve de pleines brassées instrumentales puissantes et des chœurs massifs qui viennent en appui parfait de rythmiques elles-mêmes impérieuses ; l’intérêt consiste à propulser vers des cimes émotionnelles ces éléments rugueux au possible, leur conférant majesté et grandiosité (de manière analogue à ce que faisait DIMMU BORGIR du temps de sa pleine splendeur). Cela dit, ACOD ne verse aucunement dans la pompe prétentieuse et sait même user de ces arrangements pour créer des ambiances mesurées, subtiles et délicates (notamment grâce à des sons de piano et de cordes).
Vous l’aurez compris, le versant instrumental de « Fourth Reign Over Opacities And Beyond », parfait équilibre de sauvagerie maniaquement assénée et d’élévation orchestrale de bon goût, constitue le trône impérial d’ACOD. Pour s’y asseoir, il y a les vocaux et les textes de Fred. Rédigés pour une majeure partie en anglais, mais aussi en français (à l’occasion de récitatifs en registre clair et parlé), ils offrent une vision morbide et hallucinée et charrient des scènes apocalyptiques particulièrement vivaces. Hormis ces récitatifs fort justement dosés, Fred occupe la plus grande partie de son temps à expulser de son gosier à vif des lignes ultra-percutantes, agressives et corrosives. Le résultat est simultanément viscéralement sauvage et parfaitement maîtrisé : que demander de plus ?
Une production qui préserve le rendu abrasif du chant extrême, des riffs de guitare et des lignes de basse ? C’est fait. Un mixage qui équilibre idéalement brutalité haineuse et classicisme orchestral ? Vous l’avez. La meilleure illustration dont ait bénéficié à ce jour un album d’ACOD ? Rendez grâce à Paolo Girardi. Impossible d’y couper : « Fourth Reign Over Opacities And Beyond » est un monument qui se visite impérativement.
Alain Lavanne
Date de sortie: 16/09/2022
Label: Les Acteurs de l’Ombre productions
Style: Black Death Métal orchestral
Note: 18,5/20
Ecoutez ici